Interview – Emilie Delbée, metteur en scène
Emilie Delbée signe la mise en scène, les costumes et la scénographie de notre nouvelle production du Barbier de Séville. Découvrez son portrait et son interview.
Emilie Delbée vient d’une famille de théâtre. Elle suit au Conservatoire de Paris une formation en danse classique et intègre la compagnie de Maurice Béjart où elle y dansera pendant dix ans. Désireuse de renouer avec une autre passion, le théâtre et le cinéma, où déjà enfant elle faisait ses débuts sur scène, Emilie Delbée suit une formation de cinéma au Canada. De retour à Paris, elle assiste des mises en scène traversant Shakespeare, Molière et Racine. A l’Opéra National du Capitole de Toulouse, elle collabore aux mises en scène de Norma, du Viol de Lucrèce et ressuscite en 2023 la mise en scène de Nicolas Joël avec Tristan et Isolde. Laurent Campellone fait appel à elle pour créer une nouvelle version du Barbier de Séville qui ouvre la saison lyrique à l’Opéra de Tours.
- Le Barbier de Séville se déroule au bord de la mer, pourquoi ?
« Le Barbier de Séville est un des opéras les plus connus, populaires et emblématiques de Rossini. Tout le monde a entendu une fois dans sa vie un de ses airs. » Pour cette nouvelle production, Emilie Delbée souhaite faire rêver le public. Entre le Comte d’Almaviva et Rosina, un fort désir de liberté imprègne l’œuvre : « pour moi, la mer représente ce parfum d’insouciance et d’insolence ». Emilie Delbée transpose ainsi l’intrigue dans une station balnéaire des années 20/30. « Est-ce peut être le Deauville de Coco Chanel, est-ce le Lido de Venise, voire même à Séville ? Le fleuve qui traverse Séville était jusque dans les années 50 un lieu de divertissement où les gens venaient se baigner. Faire ce Barbier dans une station balnéaire permet de faire côtoyer les différentes catégories sociales où tout est possible : tomber amoureux, se déguiser à l’infini et pourquoi pas se marier avec panache. »
- Comment allez-vous travailler avec les jeunes membres de l’Académie de la Scala ?
« C’est une première de chanter le Barbier de Séville avec les membres de l’Académie de la Scala mais ce qui est d’autant plus passionnant c’est que ceux-ci viennent de le chanter dans une autre production. J’attache une grande importance à l’interprète, à qui je fais extrêmement confiance. Je sais que la partition de Rossini demande une grande technicité et je respecte le travail musical. Je suis très à l’écoute et j'essaie de parvenir, dans le temps qui nous est imparti, à un mouvement chorégraphique pour sentir une vitalité au plateau. Moi qui viens de la danse, j’aime le corps de l’interprète pas dans le sens physique mais dans sa façon de bouger au plateau. Mon objectif est de trouver chez la personne, ce qui lui va le mieux afin de la mettre le plus en valeur possible »
- Quel est votre point de vue sur la place de la jeunesse dans les opéras ?
« Je pense qu’il est très important que les jeunes puissent voir des beaux spectacles qui les fassent rêver. Cela peut être dans la comédie mais aussi dans la tragédie. Il faut essayer d’amener les enfants même très jeunes à l’opéra même si ceux-ci ne comprennent pas complètement la pièce. Il faut trouver d’autres portes pour leur faire découvrir l’opéra en leur faisant visiter les coulisses du Théâtre. Cela est d’autant plus intéressant qu'à l’Opéra de Tours les ateliers sont présents. Par exemple, amener la jeunesse en répétition, échanger avec eux et surtout ne pas s’enfermer dans un cliché que l’opéra serait élitiste. Il est bon de se rappeler qu’à l’époque de Rossini, l’opéra était quelque chose de populaire. Certains airs du Barbier de Séville et d’autres opéras de Rossini ont même été chantés dans des tribunaux lors de certains procès ! Passer une porte d’un opéra ou d’un théâtre est parfois difficile mais il faut dépasser cela car le spectacle permet de faire rêver le public et tenter de lui donner un souffle de beauté. Je crois que plus on rêve et plus on est curieux ! »
- Vous signez pour cet opéra la mise en scène, les costumes et la scénographie comment avez-vous fait pour coordonner tout cela ?
« Il ne faut pas penser que je suis mégalo [rires] mais c’est en fait une demande de l’Opéra de Tours. Le but était de réemployer ce qui se trouvait déjà dans les ateliers (costumes, éléments de décor). La difficulté a été de chercher dans les stocks et d’imaginer un plateau en lien avec mon imaginaire. Concernant la scénographie, j’ai eu la chance de collaborer avec Hernán Peñuela qui m’a généreusement accompagnée sur cette création. Pour les costumes, j’ai travaillé avec Suzanne Le Glaunec (Cheffe costumière de l’Opéra de Tours) et Marine Siniego (Cheffe habilleuse de l’Opéra de Tours). Je remercie à cette occasion les ateliers de l’opéra de Tours (constructeurs, décors, costumes) pour le travail magnifique réalisé ! »