Un peu d'histoire
1. De la Révolution au premier théâtre municipal
Deux ans après la Révolution française, en 1791, l’État organise la vente des biens nationaux : des particuliers peuvent alors racheter les biens de l’État. C’est à cette occasion que le citoyen Bucheron acquiert l’Eglise des Cordeliers à Tours (la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’a lieu qu’en 1905, les églises étaient donc encore propriété de l’Etat).
En 1794, il transforme l’église en une salle de spectacle de 800 places. La première représentation a lieu en 1796. Le Théâtre accueille, dès ses débuts, tout autant des représentations de pièces de théâtre que d’opéra. Pour la première fois, en 1827, le Conseil Municipal ouvre un concours pour la création d’une salle à l’angle de la rue Nationale et de la rue des Minimes : ce projet échouera, faute de moyens.
Dès lors, à partir de 1827, quand bien même cette grande salle existe, le Conseil Municipal s’interroge sur la création d’un Théâtre municipal, sans doute pour se soustraire à l’obligation de louer et subventionner la salle de M. Bucheron.
En 1837, après quarante ans d’existence, le propriétaire de la salle ferme le Théâtre pour faire des travaux de restauration. Cette salle n’étant pas une salle municipale, M. Bucheron ne bénéficie pas de subventions de la Ville et n’effectue, pour cette raison, qu’une restauration partielle (les banquettes n’avaient, par exemple, pas de dossiers et la salle n’était pas encore éclairée au gaz). La salle compte alors 1 000 places.
Une description nous en est donnée en 1845 par M. Bellanger dans son ouvrage La Touraine ancienne et moderne : « Elle se compose d’un parquet, d’un rang de stalles, d’un parterre assis et de baignoires à droite et à gauche. La galerie des premières règne sur tout le pourtour de l’hémicycle avec un rang de loges au dessus. On y trouve, de plus, un étage supérieur (le paradis) et des loges entre les colonnes de l’avant-scène. La façade principale, ouverte sur la rue de la Scellerie, est fournie de colonnes d’ordre ionique sur laquelle s’appuie la terrasse du foyer. »
En 1867, la Ville décide d’acheter la salle de M. Bucheron, de la démolir et de construire au même endroit un nouveau Théâtre, sur les plans de l’architecte Léon Rohard, afin d’en faire un édifice moderne. La démolition de l’édifice commence en juin 1868, par la destruction complète de l’ancienne salle et des commerces alentours. Les travaux sont interrompus par la guerre, de septembre 1870 à mai 1871.
Le 8 août 1872, le premier Théâtre Municipal de Tours est inauguré devant une salle comble. La salle contient 1 200 places avec 3 étages de galeries. La façade de la rue de la Scellerie est ornée d'une sculpture monumentale sculptée par Frédéric Combarieu et de femmes lampadophores dans la loggia. En 1876, la rue Corneille est percée et vient aboutir sur la magnifique façade du nouveau Théâtre municipal. Hélas, ce premier Théâtre connait une existence éphémère d’une dizaine d’année suite à un incendie.
2. Du deuxième théâtre au théâtre actuel
L'incendie du Théâtre survient le 15 août 1883. Seuls les quatre murs et la façade ont résisté au brasier. Les galeries, le lustre et la toiture se sont écroulés sur le parterre.
Un concours municipal est ouvert le 11 mars 1884 pour reconstruire un nouveau théâtre sur le même emplacement. Six années seront nécessaires à la reconstruction.
Le jury, dans lequel figure Charles Garnier, architecte de l'Opéra de Paris, retient le projet du jeune architecte tourangeau Jean-Marie Hardion. Il conçoit son théâtre comme un vrai lieu de fête. L’architecture et le décor doivent y renvoyer l’image de la richesse, de la profusion et de l’illusion. Les restes de l’ancien théâtre incendié de Rohard ont servi de base au nouveau bâtiment, la scène et la salle sont remontées d’un étage.
Quant à la décoration, c’est Georges Clairin, peintre parisien (connu pour son portrait de Sarah Bernhardt), qui en a la responsabilité, il peint le mur oriental de la cage d’escalier et le plafond, et réalise aussi la « peinture d’art » du foyer et de la grande salle. Il prend plaisir à parodier la grande peinture historique, et ce d’autant plus qu’il décore un lieu de spectacle. La cage d’escalier, par exemple, comporte de part et d’autre d’un panneau central représentant « Le cardinal du Bellay présentant François Rabelais à François 1er, accompagné de sa Cour » et deux petits panneaux représentant « Le Théâtre au Moyen-Âge » et « Les Gloires de la Touraine au XIXème siècle ».
La coupole de la grande salle est décorée d’une vaste représentation allégorique d’Apollon, entouré de la Danse, de la Comédie, de la Musique et de la Tragédie. Le plafond du Foyer du Public, par ailleurs, comporte une vaste toile d’un seul tenant, représentant la Gloire et la Renommée accompagnant Mercure qui brandit les armoiries de la ville.
Les travaux, commencés en février 1885, sont stoppés dès 1886, M. Hardion ayant dépassé les crédits qui lui étaient octroyés, il se voit retirer la maîtrise d’œuvre. La Ville nomme Stanislas Loison, architecte parisien, en 1886-1887 pour reprendre et achever les travaux.
Le 23 novembre 1889, le deuxième Théâtre municipal est inauguré. Aujourd'hui, c'est toujours cet édifice qui est au centre de la vie lyrique et musicale tourangelle.
Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate en 1914, tous les théâtres tourangeaux ferment. Le Théâtre de Tours ne réouvre qu’en août 1915. Jusqu'en 1923, la situation du Théâtre est caractérisée par l'absence de troupe sédentaire, ce qui a pour effet bénéfique de permettre la venue à Tours d'artistes renommés. La troupe d'opérette réapparait en 1923 et ce, jusqu'en 1959. L’entre-deux-guerres voit l’apogée du Grand Théâtre : plus de cent cinquante représentations lyriques ont lieu chaque année devant des salles presque combles. En 1939, la guerre interrompt à nouveau l’activité du théâtre, jusqu’en octobre 1940. Les représentations reprennent, mais sont parfois interrompues pour cause d’alertes et les horaires des spectacles doivent satisfaire aux obligations du couvre-feu.
3. De nos jours
Le Grand Théâtre de Tours, après ses multiples transformations et reconstructions, rappelle aujourd’hui en bien des points l’architecture du Palais Garnier de Paris : son escalier monumental, la salle à l’italienne, les peintures des plafonds semblent être des variations du modèle parisien.
Depuis 2020, l’Opéra de Tours et l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours sont placés sous la direction de Laurent Campellone.
Le 12 décembre 2023, le Grand Théâtre de Tours a été classé au titre des Monuments Historiques. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a considéré que la conservation du Grand Théâtre de Tours présentait « un intérêt public au point de vue de l’histoire et de l’art. (...) En tant qu’exemple remarquable de l’architecture des théâtres édifiés au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, sous l’influence de l’Opéra de Paris de Charles Garnier, et ayant conservé presque intégralement ses dispositions d’origine », il a été convenu d’en « harmoniser la protection au plus haut niveau, au-delà de ses parties déjà classées ».
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L'Opéra de Tours présente chaque année au public tourangeau et, plus largement, de la région Centre, une saison lyrique et symphonique, ainsi que des récitals lyriques, des concerts de musique de chambre et des spectacles pour le jeune public.
Doté d’un chœur permanent de 14 choristes dirigé par David Jackson, il accueille également en son sein un orchestre symphonique, de dimension régionale depuis 2002. Cette phalange a pour mission de créer un pôle d’excellence dans le paysage musical. Avec le concours régulier de cette formation orchestrale, connue sous le nom d’Orchestre Symphonique de la Région Centre-Val de Loire/Tours (OSRC/T), l'Opéra de Tours programme de multiples oeuvres symphoniques et ouvrages lyriques, avec une politique ambitieuse d'artistes invités (Michel Plasson, Roberto Alagna, Patricia Petibon...).
L'Opéra de Tours, seul opéra de la Région Centre, est un lieu de création, de production et de diffusion de spectacles mais il est aussi doté d’ateliers pour la confection des costumes, pour la fabrication des décors et des accessoires. Il est ce que nous appelons une "maison d'Opéra".
Enfin, l'établissement assure une mission de service public en permettant à un public élargi d'accéder à la diversité des esthétiques musicales présentées. Riche de ses nombreuses actions culturelles et de médiation, qui permettent de toucher plus de 15 000 personnes par an, le Grand Théâtre effectue un travail de fond pour la démocratisation et l'expression des droits culturels. Ainsi, en encadrant 4 formations musicales amateurs, il s'engage fortement pour l'accès à la musique via la pratique musicale (Chorale populaire, Maîtrise populaire, Orchestre populaire, Choeur "A Voix haute").
Texte élaboré d’après :
- Jacques Derouet - Le théâtre lyrique à Tours. Des origines à nos jours, Tours, 1989
- Vincent Droguet et Marie-Thérèse Réau - Tours, décor et mobilier des édifices religieux et publics
- Cahiers du Patrimoine n°30, Service Régional de l’Inventaire Général - Direction Régionale des Affaires Culturelles du Centre, 1993